CASS, 2ème civ., 4 avril 2012, N°11-14311, 11-15393, 11-18014, 11-12299
Selon les termes de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale (tels que modifiés en dernier lieu par une loi du 6 décembre 1976), le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l’employeur pouvait prétendre, indépendamment des prestations prévues par la législation professionnelle (prise en charge des soins, indemnités journalières, rente en cas d’incapacité permanente) et de la majoration, le cas échéant, de sa rente, à l’indemnisation de certains préjudices de caractère personnel limitativement énumérés : souffrances physiques et morales, préjudices esthétique et d’agrément, préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités professionnelles. Il appartient à la caisse primaire d’assurance maladie de faire l’avance du montant des sommes allouées à ce titre et de les récupérer auprès de l’employeur.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a retenu la conformité à la Constitution de ces dispositions, à la condition qu’elles soient interprétées comme ne faisant pas obstacle à la possibilité pour les victimes et leurs ayants droit « de demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale » (Conseil constitutionnel, 18 juin 2010, décision ° 2010-8 QPC).
Il appartenait ainsi à la Cour de cassation de déterminer la portée de cette réserve d’interprétation.
Tel est l’objet des quatre arrêts rendus, le 4 avril 2012, par la deuxième chambre civile.
1. Ces derniers précisent ainsi, en premier lieu, l’étendue de la réparation due à la victime, à savoir :
– la victime peut prétendre à la réparation de chefs de préjudice qui ne sont pas couverts, en tout ou partie, en application du livre IV du code de la sécurité sociale : il en va ainsi du déficit fonctionnel temporaire, qui n’est pas couvert par les indemnités journalières, qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire (premier arrêt) ;
– la victime ne peut pas prétendre, en revanche, à la réparation des chefs de préjudice dont la réparation est assurée, en tout ou partie, par les prestations servies au titre du livre IV du code de la sécurité sociale : il en va ainsi des frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales (troisième arrêt), ou du déficit fonctionnel permanent, dont la réparation est assurée par la rente et la majoration dont elle est assortie en cas de faute inexcusable (premier et deuxième arrêts) ;
– modifiant sa jurisprudence antérieure, qui intégrait le préjudice sexuel dans le préjudice d’agrément au sens de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la deuxième chambre civile retient désormais que le préjudice sexuel constitue, comme en droit commun, un chef de préjudice distinct, qui peut ainsi donner lieu à réparation à part (premier arrêt).
2. La deuxième chambre civile a retenu, en second lieu, qu’il incombait à la caisse primaire d’assurance maladie de faire l’avance à la victime de l’ensemble des réparations qui lui sont allouées, sans distinction selon qu’elles correspondent à des chefs de préjudice énumérés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ou se rapportent à d’autres chefs de préjudice, tels le préjudice sexuel ou le déficit fonctionnel temporaire (premier et quatrième arrêts).
Ces quatre arrêts ont la vertu de clarifier une situation qui ne l’était pas depuis la décision du 30 juin 2010, chacune des parties en présence (Caisses, employeurs, salariés), ne parvenant pas à déterminer précisément la portée de la cette décision, en dépit de la parution des commentaires aux Cahiers du Conseil constitutionnel.
Florent LOYSEAU de GRANDMAISON