Un nouveau dispositif voit le jour en matière de faute inexcusable, pour toutes actions judiciaires engagées à compter du 1er janvier 2013.
A cet égard, l’article 66 (devenu 86 dans le texte final) de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2013 prévoit deux nouveautés :
– Dès le 1er avril 2013, l’imputation sur le compte employeur des majorations de rente sous forme de capital. C’est la fin des cotisations complémentaires, qui jusque-là ne pouvaient être établies pendant plus de 20 ans, ni être supérieures à 3 % de la masse salariale, ou 50 % de la cotisation de l’année précédente.
– Le droit d’action du salarié est directement reconnu à l’égard de l’employeur en matière de faute inexcusable, lorsque la décision de justice est entrée en force de chose jugée, c’est à dire lorsque les recours suspensifs d’exécution ont été épuisés.
L’article 66 de la Loi, désormais nouvel article L. 452-3-1 prévoit :
« Quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à ce titre. »
L’expression « condition d’information » surprend car elle est particulièrement vague.
Est-ce la procédure d’information qui est visée au regard notamment des cas d’inopposabilité résultant de l’irrespect du délai de consultation, ou le contenu même du dossier ?
Le défaut d’une pièce essentielle au dossier sera-t-elle une « condition d’information » manquante ou une condition de prise en charge manquante ?
Le texte ne le précise pas, obligeant la jurisprudence à fixer des solutions qui conditionnent l’application du texte.
Avec cette réforme des conséquences financières de la faute inexcusable, c’est tout d’abord la fin de la distinction des rapports tripartites.
Désormais, ce sera l’employeur l’interlocuteur direct du salarié qui devra s’acquitter des sommes mises à sa charge auprès du salarié, et non plus la Caisse comme auparavant.
Jusque-là, l’employeur ne versait que les articles 700 directement aux parties demanderesses, les majorations de rente et les préjudices personnels étant pris en charge par la Caisse qui exerçait alors son action récursoire contre l’employeur.
Ensuite, c’est le cloisonnement de la prise en charge à titre professionnelle qui est reconnue, sans que l’on en comprenne vraiment le raisonnement du législateur.
Ainsi, dans le cas d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, si la Caisse omet d’informer l’employeur de la date envisagée de sa prise de décision, celui-ci reste dans l’ignorance du contenu même du dossier.
En effet, le droit de communication transformé par la 2ème Chambre civile contre la lettre même du texte (R. 441-13) en droit de consultation, n’est ouvert qu’à compter de la clôture de l’instruction.
Si l’employeur ignore que son droit de consultation est ouvert, il a peu de chances de l’exercer…
Lorsque l’action en faute inexcusable sera engagée, l’employeur se retrouvera face à un demandeur lui opposant le caractère professionnel de la prise en charge, sans qu’il ne sache rien du contenu du dossier établi par la Caisse le mettant en cause.
Enfin, cela laisse désormais les victimes d’accidents du travail et de maladie professionnelle dans une situation d’inégalité contestable.
Selon que l’employeur sera solvable ou non, celles-ci obtiendront rapidement ou non leurs indemnisations.
Les commentaires de la loi indiquent qu’en cas d’insolvabilité de l’employeur, la Caisse pourrait à nouveau agir en qualité de garant en dernier ressort.
Rien toutefois dans le texte de la loi ne le laisse apparaître une telle solution.
Cette situation pose plus de question qu’elle n’en résout puisqu’en en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, les salariés devront déclarer leurs créances sous peine de voir leurs créances inopposables à la procédure…
Compte tenu de l’enjeu de telles dispositions pour les victimes, l’on ne peut que déplorer le manque de concertation préalable de cette loi, qui laisse nombre de questions fondamentales irrésolues.
Nul doute donc que les solutions seront recherchées devant les Tribunaux, dès les premières procédures mettant en place cette réforme.
Florent LOYSEAU de GRANDMAISON
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