CASS, 2ème civ, 10 novembre 2010, 09-14278
Par cet arrêt de la 2ème Chambre Civile, publié au bulletin, la Cour de cassation vient préciser les contours de l’autorité de la chose jugée au pénal, sur le civil.
Les faits sont particulièrement simples :
Madame X … avait confié à M. Y… la réalisation de travaux dont elle a estimé qu’ils avaient été exécutés de manière défectueuse.
Saisissant le Tribunal correctionnel de ces faits qualifiés de faux et de tentative d’escroquerie, par un jugement du 25 février 2003, a déclaré M. Y… coupable, notamment, d’usage de faux au préjudice de Mme X…, a reçu celle-ci en sa constitution de partie civile, a déclaré M. Y… responsable du préjudice subi et l’a condamné à verser un euro à titre de dommages-intérêts.
Estimant l’indemnisation totalement dérisoire, Mme X… a ensuite demandé par la voie civile l’indemnisation de son préjudice matériel résultant des malfaçons et celle de son préjudice moral, M. Y… a soulevé la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée de la décision du tribunal correctionnel.
La Cour d’appel a rejeté les demandes de Madame X… aux motifs suivants :
« qu’on ne peut être admis à contester l’identité de cause de deux demandes, en invoquant un fondement juridique qu’on s’était abstenu de soulever en temps utile ; qu’un justiciable ne peut, après une décision dans un litige le concernant, saisir à nouveau un tribunal aux mêmes fins ; (…) que, devant le tribunal correctionnel, Mme X… sollicitait, pour un montant voisin de celui réclamé ce jour au civil, le coût des travaux de reprise des malfaçons et un préjudice moral en adéquation ; que force est de constater que Mme X… a demandé, à deux reprises, devant deux juridictions, l’une pénale, l’autre civile, quoique sur des fondements juridiques différents, l’indemnisation du même préjudice, à savoir le dédommagement du montant des travaux de reprise des malfaçons, pour des sommes quasiment identiques et l’indemnisation d’un préjudice moral en liaison avec le préjudice matériel ; qu’une décision étant intervenue au pénal, définitive, elle est irrecevable à se retourner vers la voie civile pour obtenir une satisfaction plus ample, au regard de ce qui lui a été alloué par le juge pénal (…) ».
Le pourvoi formé devant la Cour de cassation invitait la 2ème Chambre à casser l’arrêt d’appel en soulignant :
- que les fondements des demandes formées devant les juridictions pénales (faux et escroquerie),
- et civiles (inexécution contractuelle) étant différentes,
- l’autorité de choses jugée (identité de parties, de cause et d’objet) faisait défaut.
La première branche du moyen relevait ainsi : » qu’en opposant l’autorité de la chose jugée par le jugement correctionnel du 25 février 2003 qui avait alloué à Mme X… un euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice trouvant sa source dans la tentative d’escroquerie à sa demande portée devant le juge civil en réparation du préjudice différent résultant de la mauvaise exécution du contrat d’entreprise, la cour d’appel a violé l’article 1351 du code civil ».
Sèchement, par cet arrêt du 10 novembre 2010, la 2ème Chambre civile rejette le pourvoi en rappelant que « le tribunal correctionnel, statuant par une décision définitive, avait alloué une indemnisation à Mme X… au titre de la réparation de l’ensemble de ses préjudices, la cour d’appel a exactement retenu que la nouvelle demande, qui visait à indemniser les mêmes préjudices, se heurtait à l’autorité de la chose déjà jugée, de sorte qu’elle était irrecevable. »
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Dès lors, il conviendra de garder à l’esprit que lorsque que la juridiction pénale est saisie de demandes indemnitaires par une partie civile, la décision accueillant la constitution de partie civile rend par la suite irrecevable toute demande formée devant les juridictions civiles.
Florent LOYSEAU de GRANDMAISON